Jean-Benoit Beurre – Panique au Netto
Cet incident remonte, mais comme apparemment je ne suis pas le seul à l’avoir vécu, je viens témoigner.
C’était à une époque ou tout allait mal, rien n’allait bien, ou l’homme était un animal dans ma vie, et pas de bébé pour noël n’était prévu, alors je me droguais tranquillement dans l’attente de jours meilleurs. Autant dire que j’étais à fleur de peau du cul, et on était la veille du réveillon, il fallait acheter du pinard et une boite de petits poids en conserve.
Comme à l’époque j’avais envie de faire les coucourses comme de me pendre, j’ai tout naturellement attendu le dernier moment pour y aller, soit 2H avant que ça ferme pour les fêtes, et naturellement c’était blindé du cul. J’étais naturellement rendu parano et con par toute la drogue que j’avais fumé auparavant. Dans ces moments là, je ne vois pas trop les gens, ils sont juste des silhouettes menaçantes dont j’évite de scruter les détails sous peine de chier dans mon froc. Je me faufile donc dans les rayons par ordre : fruits et légumes (à l’époque, je ne cuisinais pas, donc j’ai rien pris), produits laitiers (la crème fraiche salvatrice qui rend tous les plats doux et onctueux, le fromage qui éponge la bière) la bidoche de merde (les saucisse à 1 euros qui se changent instantanément en cancer selon mes amis en couple) les conserves, les bières de rigueur enfin bref … Avec le minimum syndical je décide d’aller affronter la file d’attente, qui sont évidemment de longueurs épiques, voire marathon. Je choisis celle du milieu et c’est alors que je remarque que le type devant moi est une espèce de petite ordure trappue, genre turc-allemand la 30aine abîmée par la mauvaise cocaïne, l’oeil torve, vener’ car plus d’argent pour aller aux putes (putes qu’il avait l’habitude de dérouiller) En effet, celui-ci se retourna et me jeta un oeil noir, ho, je ne l’ai pas pris personnellement, mais il était evident que ce type là avait LA HAINE, je n’ai jamais vu un visage décrivant des envies aussi malsaines, c’était peut-être à cause des crevasses dans sa peau ou du rictus qui déformait sa bouche en mimant un chien prêt à mordre, j’en sais rien. Je ne sais plus ce qu’il achetait, peut-être rien, pas grand chose en tout cas car il avait les poings serrés, peut-être voulait-il juste en découdre avec la caissière. J’ai senti les contractions s’emparer de mes muscles, la chaleur m’étreindre et la sueur abonder de ma peau, mes dents se mirent à claquer et c’est alors que j’ai sauté hors de la file d’attente pour survivre. J’ai fui au rayon surgelés pour refroidir toute cette tension, et j’ai essayé de retrouver un peu mon calme : ça serait vraiment trop la merde si je devais partir du supermarché sans mes comissions, putain, faut que j’arrête de fumer ça ne va plus du tout, allez courage mon vieux JBB t’es pas un lâche, tu peux le faire, vasy gros. J’ai attendu un peu et j’ai opté pour la file de gauche, qui s’était dégrossie, je me suis cramponné jusqu’à la caisse et j’ai payé et je suis parti en courant dans le froid et les flocons gelés me flagellaient le visage, punition amplement méritée mais sans impact sur le soulagement que j’éprouvais après avoir réussi cette épreuve.
8/10 car pour une fois je ne me suis pas ennuyé