10 janvier 2015

Technicien – Monop, samedi 14 h

Après deux jours de report sporadique, je suis bien obligé d’échanger de l’argent contre des objets qui seront ingérés puis chiés. En sortant de chez moi, je passe devant Lidl pour évaluer le nombre de gens qui font la queue; c’est beaucoup trop. Tant pis, je ne prendrai que de l’accessoire qui coûtera trop cher, je vais me faire bolosser chez Monoprix.

Je passe chez le Turc pour acheter des olives, je prends les vertes pimentées que je suis le seul à pouvoir manger parce que les copains les trouvent trop fortes. J’en ai pour un euro dix, le patron arrondit à un euro, oubliant les dix centimes que je lui devais de vendredi dernier. Cool.

Arrivé chez Monoprix, je suis agréablement surpris par le peu de clients qui attendent de se faire encaisser. Je suis scrupuleusement la liste, hormis le fait que je prends des petits suisses au lieu d’un kilo de fromage blanc et/ou de yaourt. Je constate avec plaisir que le prix des bières Goudale en grande boîte a stagné à 1.53 euro, ce n’était pas une erreur d’affichage. C’est moins cher qu’une ambrée ou une trappiste, j’en prends quatre, tant pis pour mon début de bedaine. En fond sonore, une niaiserie à l’autotune succède à du rap français auquel on ne comprenait strictement rien.

Arrivé à la caisse, une femme est en train de payer, et un homme attend derrière moi. Il me semble que le tapis roulant pouvait fonctionner lorsque la dame passait, et la caissière demande à l’homme de pousser les articles qu’il s’apprête à rapporter chez lui dans sa direction. Il s’exécute sans dire un mot. Sans dire un mot non plus, je suis assez frustré de cette situation, puisque j’avais déployé tout un dispositif pour que mes boîtes de bière ne fissent pas cinquante aller-retours à chaque impulsion du tapis. Je m’exécute à mon tour alors que l’homme remballe ses articles. La caissière scanne les miens, que je range dans un sac en coton brut blanc, plus grand que ceux des hipstères, et que j’ai acheté chez Carrefour de Guy-moquet il y a une quinzaine de jours. Il est retourné à cause d’une sérigraphie publicitaire – si je l’ai acheté, ce n’est certainement pas pour faire l’homme-sandwich d’une marque qui n’en a pas besoin et qui ne me paiera pas. La caissière du Monop m’étonne par sa jeunesse, puis je me rends compte que si elle a dix ans de moins que moi, elle a l’âge légal de travailler, que c’est moi qui vieillis et qu’il serait temps que je m’y fasse. Elle est mince, assez laide et a l’air sympathique. Je lis sournoisement son prénom sur un badge accroché à son gilet d’uniforme, puis je l’oublie aussitôt. J’en ai pour plus de vingt euros, alors que je comptais dépenser moins de la moitié.

D’après la légende, on peut à peu près tout y voler, sauf de l’alcool. Je n’ai essayé – et réussi – qu’une fois, il y a une dizaine de jours, avec un pot de caviar de tomates, l’article le plus cher de la catégorie “un peu n’importe quoi à étaler sur du pain libanais”.

J’achète une baguette sur le trajet du retour, fait exceptionnel. En rentrant, je me rends compte que j’avais la braguette ouverte.

Le lot de mauvaises surprises et de prises de conscience me paraît finalement bénéfique et constructeur. Je donne à ces courses un bon 8/10; elles auraient été parfaites si je n’étais obligé d’y retourner demain (marché), et lundi (probablement Lidl dans la matinée pour les produits moins accessoires et les chances d’y voir moins de monde).